Naviguée depuis le 16 ème siècle, la Vilaine va connaitre un développement fulgurant en 1721. Car à Noel 1720, Rennes est dévastée par de grands incendies et les besoins en pierre de taille pour sa reconstruction sont immenses. Seule la voie d’eau et les nombreuses carrières le long de cette dernière peuvent répondre à ces besoins rapides et importants. C’est probablement à cette époque précise, le début de la grande épopée des «CAHOTIERS de PONT REAN» dont l’appellation fait référence à la pierre de «Cahot». Cahot est un village situé à la confluence de la Seiche et de la Vilaine sur la commune de Bruz.
Les CAHOTIERS se sont des bateaux mais aussi des commis mariniers qui travaillent dans les carrières du Boel en Pont Réan, à l’extraction et au transport de cette pierre de schiste rouge si convoitée. Pont-Réan connaitra un essor important et verra s’installer de nombreux chantiers de construction et réparation de ces bateaux du même nom. Ces bateliers journaliers naviguaient sur de courtes distances du Boël à Rennes. Des mariniers redonnais les surnommaient «Les forçats d’la Vilaine», carriers et mariniers à la fois ! Régulièrement victimes de chauds froids après leurs efforts harassants, leur espérance de vie était très faible : par CAHOTIER, ils chargeaient et déchargeaient à la brouette jusqu’à 60 tonnes de matériaux.
Plus récemment, après la seconde guerre mondiale et la période des trente glorieuses, le transport d’agrégats sur la Vilaine (sables, graviers et grès armoricains) reconnait un regain d’intérêt. Des bateaux en acier à une seule cale seront appelés les «CAHOTIERS MODERNES» car ils prolongent le transport de matériaux entre les nombreuses carrières de la Vilaine et la métropole rennaise. La modernisation des écluses et du travail des mariniers permet enfin des rotations accélérées des péniches et ce jusqu’en 1984. Cependant ces bateaux ne résisteront pas longtemps aux camions ; ils vont même les favoriser en participant activement à la modernisation du réseau routier… Au regard de cette histoire, on peut affirmer que les CAHOTIERS sont la première et dernière corporation batelière des voies navigables de Bretagne.
C’est le bateau de travail qui a été le plus construit en Europe. De Camaret au Croisic environ 3700 unités immatriculées en 1900 à son apogée. Certains ports comme Concarneau ou Douarnenez excède même les 800 unités chacun (cf. le chasse-marée). Armé par un équipage de cinq à six hommes, c’est un bateau d’une longueur d’environ 8.50m, non-ponté à deux mats grées avec deux voiles au tiers : la misaine et le taillevent ; et même parfois trois (un foc amuré sur le mat de beaupré à l’avant en région de Basse Loire : Le Croisic, la Turballe…). C’est la véritable cheville ouvrière qui a accompagné « la fièvre de l’or bleu » et l’essor des conserveries au 19ème siècle. C’est aussi à son bord que des marins Guilvinistes, dans le but de prolonger leur saison de pêche (de mai à novembre), débarqueront au Croisic et seront surnommés les Ga’ouch par les locaux. Elle connut un fort déclin après la crise de la sardine des années 1900 où la baisse de la ressource nécessitera d’aller pêcher beaucoup plus loin des côtes et exigera la mise au point de voiliers plus marins et plus grands capables d’affronter la haute mer, elle est ainsi détrônée par le cotre sardinier au lendemain de la grande guerre.
Voilier de coque en bois à l’origine puis en acier, d’une cinquantaine de mètres jaugeant environ 500 tonneaux, ses trois mats arborent 21 voiles. Il est affecté au trafic des Antilles et de l’Amérique du sud avec départ de Nantes sur lest ou avec du charbon gallois et retour avec cacao et café du Brésil, sucre et rhums des Antilles, bois de teintures et même des animaux vivants (mules). Manœuvré par douze hommes d’équipage et deux mousses, il suit la route des alizés et ses vents portants.
L’Age d’or de ces grands voiliers se situe entre 1893 et 1914 : ces grandes cathédrales de voile constituent des proies faciles aux patrouilles maritimes allemandes dans l’Atlantique nord ; beaucoup sont coulés après 1917 et l’entrée en guerre des Etats Unis. A la fin du conflit, détrônés par la vapeur, les survivants sont ancrés dans le canal de la Martinière en attente de ferraillage. Seul survivant à cette destruction, le Belem qui dès 1914 est remarqué par le duc de Westminster pour son bon entretien et décide de le transformer en yacht de luxe. Il passe ainsi sous pavillon britannique et figure comme l’ultime survivant de notre marine marchande à voile aux longs cours.